Quelles leçons voulons-nous tirer de notre histoire, quel sens y trouver ?... Non pas le souvenir nostalgique d’un temps idyllique, âge d’or de l’éducation... Pas plus une condamnation sans appel d’un passé archaïque et obsolète, mais un regard porté sur une histoire qui nous fonde et nous permettra de mieux comprendre ce que nous sommes appelés à être...
L’idée de base des «communautés d’enfants» est due au juge Henri Rollet, né le 14/02/1860 et mort le 27/12/1934. Dit : «le bon juge», il a consacré sa vie à la cause de l’enfance délinquante et «déshéritée». On lui doit la loi de 1889 qui permet de séparer l’enfant de ses parents, s’ils sont reconnus « indignes ». Il est l’un des inspirateurs de la loi de 1912 qui créa en France les Tribunaux pour enfants. Nommé juge au tribunal pour enfants de la Seine, il fut le premier titulaire de ce poste. Il y resta quinze ans.
Loi du 19 avril 1898, Henri ROLLET, ainsi que le sénateur BERENGER travaillent sur la protection de l’Enfance en danger. La loi vise les crimes et les délits commis par des enfants ou sur des enfants. Les Magistrats peuvent désormais confier à une personne, ou à une Institution, ou à l’assistance publique tout enfant en difficulté, le but est d’éviter la détention préventive ou le colonie pénitentiaire.
Homme de bonne volonté, il fonda en 1921 « l’Association internationale de la protection de l’enfance » dont il fut président durant plusieurs années. En fait de 1885 à 1930, on peut dire qu’il a participé à la plupart des actes législatifs et sociaux élaborés et accomplis en faveur de l’enfance en France et dans le monde.
1923 : Ouverture de « l’Ecole de Service Social » (rue du Pot de fer à Paris) destinée à la formation d’Assistantes sociales attachées au Tribunal pour enfants. Mise en place de « Délégués à la liberté surveillée. » Participation à l’organisation de la première exposition sur l’Enfance au Petit Palais à Paris.
Il a été le pionner d’une cause : «Prévenir au lieu d’avoir à punir ou à guérir» C’est dans cet esprit qu’en 1932, il fit part à ses collaboratrices de son dernier souhait : la création de foyers familiaux où l’enfant qui, pour une cause quelconque ne peut vivre dans un foyer normal, puisse s’attacher à une maison dont il aimerait dire « ma maison » parce qu’elle aurait son caractère propre, qu’elle serait propre, confortable, chaude...
Henri Rollet eut la joie de voir s’ouvrir le premier foyer auquel il rêvait. Il devint le Président du Rayon de Soleil de Guebwiller. La devise du Rayon de Soleil était : « Ils ont droit à la vie et la joie ». Ces créations devaient aussi répondre aux exigences de la « Déclaration des Droits de l’Enfant », dite Déclaration de GENEVE, ou « Charte de l’Union Internationale de la Protection de l’Enfance », déclarant : « Les hommes et les femmes de toutes nations reconnaissent que l’humanité doit donner à l’enfant ce qu’elle a de meilleur en dehors de toute considération de race, de nationalité, de croyance ».
On voit que « tout ce qui a été fait en France, entre 1880 et 1933 en faveur de l’Enfance a été inspiré, animé et encouragé par Henri ROLLET ».
Madame R.Remande (1902-1994) qui fut sa secrétaire à la fin de sa vie, fonda avec Madame Mory, le premier Rayon de Soleil en 1933 et mit en œuvre l’un de ses derniers vœux. Il avait dit en effet à la jeune femme : « Ceux qui essayent de sauver l’enfant après, font une besogne estimable ; ce sont ceux qui essayent de sauver l’enfant avant, qui feront une œuvre utile ». Collaboratrice d’Alexis Danan, dans sa lutte contre les bagnes d’enfants, grande fédératrice, elle était avant tout fidèle à l’inspiration d’Henri Rollet et d’un caractère entier ! Elle était persuadée que la meilleure façon de venir en aide aux enfants est une substitution familiale totale et sa fidélité inouïe et aveugle à son projet ne lui a pas permis de comprendre l’évolution de la société et de la politique familiale, et non plus de relever certaines failles de son système.
Le Rayon de soleil de Guebwiller :
Renée REMANDE et Mme MORY sont, à la veille de Noël 1932, à Guebwiller, à la découverte d’une maison adaptée. Elles approchent : une éclaircie illumine la bâtisse. « Si ça marche ici, on appellera ça le Rayon de Soleil» ….
Et ça a marché !
Henri ROLLET devint le Président du Rayon de Soleil de Guebwiller.
Mme Germaine LONG qui s’est liée d’amitié avec Renée REMANDE a découvert la personnalité et l’action d’Henri ROLLET.
En 1934 elle épouse Mr Alban FORT et ils intègrent tous les deux le Rayon de Soleil de Guebwiller, ouvert depuis 6 mois, sous la direction de Mme MORY.
«Le foyer est plein. Les enfants viennent surtout de la région parisienne. Il y a déjà des enfants juifs, chassés d’Allemagne par la montée du nazisme ».
Mr et Mme FORT :
«Mme MORY confie à Mr et Mme FORT un groupe de six jeunes israélites. Ils louent un petit appartement. Ils y rentrent le soir avec leurs protégés. Dans la journée, ils se familiarisent avec la gestion d’une maison.
Au bout de quelques mois, ils se sentent en mesure d’ouvrir leur propre foyer à SOULTZ
L’œuvre est lancée. Les enfants sont accueillis. En avril 1935, ils sont une quinzaine.
Madame FORTIN, présidente de la section cannoise des « Amis d’Henri ROLLET »conduit à Soultzun petit grassois. Sur place, elle constate l’insuffisance du local et l’impossibilité de s’étendre.
Elle s’engage à créer un foyer à Cannes».*
Le Rayon de Soleil de Cannes :
Le 26 juin 1935, le Journal Officiel mentionne donc la création d’une association dite «Rayon de Soleil de Cannes», dont le but est «de secourir l’enfance malheureuse, l’éduquer et la mettre en état de gagner sa vie».
• La Villa Marie-Josephouvre le 1er octobre 1935 :Les enfants sont élevés «en famille» par Mr et Mme FORT. En 1939 : il y a 24 enfants; la villa est saturée.
• Villa Clémentine : En 1942, une grande villa dans un parc de quatre hectares, est inoccupée. Elle est prêtée à Mr et Mme Fort pour accueillir 35 enfants dont une pouponnière de 15 places.En 1945, la propriétaire souhaite récupérer sa villa.
• Villa Montbrillant : En 1945 Mme WEMYSS met à disposition une grande maison dont elle vient d’hériter. Elle aura pour dédommagement symbolique la rue rebaptisé au nom de son père. Mr et Mme FORT ont géré cette maison pendant 31 ans.
• En août 1939, Alban FORT est mobilisé. En mai 40, il est fait prisonnier.
Il expose à ses co-détenus ses convictions dont «Le Rayon de Soleil : une expérience de sauvetage de l’enfance malheureuse». Le discours séduit la grande majorité.
Le 7 août 1941, Alban FORT est libéré.
• Ses camarades de captivité de l’OFLAG se sont cotisés et lui remettent une somme importante pour venir en aide aux enfants recueillis aux Rayons de Soleil.
• Ils continueront à donner chacun un Mark par mois ! De là naîtra en 1945 à Paris le «Comité Parisien du Rayon de Soleil de Cannes».
• Les enfants juifs
Il aurait été trop dangereux de laisser des enfants juif à Guebwiller.
Renée REMANDE les avait regroupés en zone libre, dans les petits villages de Gréolières ou Coursegoule, dans l’arrière pays cannois, répartis en petites unités indépendantes.
Des enfants juifs étaient aussi hébergés avec Mr et Mme FORT en permanence à Cannes. Ils n’étaient pas cachés, allaient en classe, passaient des examens, jusqu’au baccalauréat, sous des identités d’emprunt, en vue d’un avenir espéré.»*
• Un réseau «oeucuménique» engagé et laïque.
Ces enfants bénéficient de l’aide et du soutien aussi bien de réseaux de «résistants» que de réseaux «confessionnels» protestants et catholiques qui oeuvrent dans le même sens.
• Après la guerre, « le Rayon de Soleil de Cannes est largement connu en France et au-delà. Des demandes d’aide proviennent de toutes les régions. Il est impossible d’héberger autant d’enfant, des demandes d’adoption arrivent ».*
Madame FORT ne se contente pas de « placer » des enfants en adoption. Elle noue de vraies relations avec les parents adoptifs.
• De 1935 à 1985, le Rayon de Soleil de Cannes a réalisé 896 adoptions.*
• Madame le Docteur LEMIRE, agissant en Inde, au Liban, en Corée, etc…, a créé, au long de son parcours, des lieux d’accueil, dispensaires, écoles etc. Les cas insolubles, localement, sont orientés vers une famille adoptive. Près de sept cent adoptions ont été réalisées, avec l’assistance administrative du Rayon de Soleil de Cannes. En 1970, elle crée à Paris l’Association du Rayon de Soleil de l’Enfant Etranger.*
• Le Rayon de Soleil de Cannes a réalisé sa dernière adoption en août 1989. Son agrément est caduc depuis 1992. »*
* (extraits de l’histoire du Rayon de Soleil de Cannes présentée sur leur site)
• Donc comme mentionné plus haut, en 1944 les camarades de captivité de Mr FORT sont rentrés.
• Une vente est organisée à Paris par des anciens des Oflags…
• En 1945 naît donc à Paris le «Comité Parisien du Rayon de Soleil de Cannes»
Ses objectifs :
– Assurer «la survie» du Rayon de Soleil.
– Mobiliser tous les amis,
– Une grande vente de Charité est organisée chaque année.
En 1982, pour mieux réaliser ces objectifs, est constituée l’association (loi 1901):
« Les Amis des Rayons de Soleil et de l'Enfance»
Qui regroupe au début essentiellement un groupe de parents adoptifs, du Rayon de Soleil de Cannes et du Rayon de Soleil de l’Enfant Etranger qui œuvre ensemble pour réussir la rencontre annuelle à la Mairie de Saint Mandé.
Aujourd'hui l’association a étendu son aide aux enfants et aux jeunes confiés aux Maisons d'enfants « Rayons de Soleil ».
* (extraits de l’histoire du Rayon de Soleil de Cannes présentée sur leur site)
L'évolution de la Fédération :
Les Maisons d’Enfants « Rayons de Soleil » :
Avant la guerre, plusieurs Maisons d’Enfants « Rayons de Soleil » avait été créées mais seules celles de Guebwiller et Cannes ont « résistées ».
Après la guerre, plusieurs « Rayons de Soleil » ont vu le jour :
Et progressivement d’autres « Maisons » et associations se sont fédérées:
(Plus tard, au fil du temps, la fédération et quelques uns se sont quittés : le Rayon de Soleil de Cannes, le Rayon de Soleil de l'Enfant Etranger)
Ceux qui restent unis à la fédération partagent les mêmes valeurs fondatrices:
L’accueil «à dimension humaine» sans se substituer aux parents, en aidant à grandir dignement, dans la solidarité…